Manager : un métier qui s’apprend

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Catégorie

Auteur

Patrick Probonas

Date de publication

12/03/2020

Dans un monde du travail devenu si complexe, on attend d’un manager quelques petites choses toutes simples : une propension naturelle à décider, arbitrer, juger rapidement, et puis des résultats en croissance, une loyauté sans faille à sa hiérarchie et une réactivité digne d’un super héros. On compte sur ses qualités de leadership, acquises dès la naissance, évidemment, et repérées, bien sûr, par l’œil acéré de ses dirigeants. On attend aussi de lui qu’il reproduise sagement des comportements standards, vérifiés lors de certains entretiens d’embauche destinés à filtrer les meilleurs. Gare au candidat s’il répond à côté !

 

L’exemple vécu

Extrait de « Entreprises et Performance »

 

Sollicité pour un poste de directeur commercial, François M. rencontre le cabinet de recrutement missionné par l’entreprise. Après 30 minutes d’entretien courtois, le recruteur dessine, sans transition, un schéma sur son calepin tourné vers le candidat :

 

L’entretien d’embauche

 

« Je dessine un carré, explique-t-il, dont chaque coin est occupé par un collaborateur.

– D’accord, dit François, surpris mais attentif.

– En haut et à droite se trouve un profil motivé et compétent. Que faites-vous avec lui ?

– Eh bien, dit François, je lui fais toute confiance pour des missions complexes ou délicates. Je m’appuie sur lui comme relais de mon management.

– Merci. En haut à gauche se tient un autre collaborateur. Celui-là est compétent mais démotivé. Que faites-vous ?

– Il faudrait comprendre les origines de la démotivation.

– Répondez directement à ma question, François.

– Euh, bien. Je cherche les moyens de le remotiver pour lui permettre d’activer toutes ses compétences au sein de mon service.

– Très bien, dit le recruteur.  A présent, en bas à droite du carré, nous avons une personne motivée mais incompétente.

– Si vous voulez le savoir, je lui propose de se former pour combler ses lacunes et profiter de sa motivation au travail.

– Merci. Le dernier cas, en bas à gauche est un collaborateur incompétent et démotivé. Vous êtes un manager, alors, que décidez-vous ? »

François est interloqué. Il se demande si le jeu cache un côté sombre destiné à le piéger. Cependant, prêt à jouer la partie jusqu’au bout, il répond en toute sincérité :

« S’il est réellement incompétent, je le vérifie avant toute prise de décision. Je dois découvrir les raisons de sa présence dans mon service. Peut-être s’agit-il d’une erreur d’aiguillage en interne. En outre, cette erreur peut être à l’origine de sa démotivation et donc…

– Je vous interrompt François et vous demande de répondre à la question. Que doit faire un bon manager dans ce cas de figure ?

– Je suis en train de vous dire… »

– Dites-le François. Vous devez prendre cette décision !

– De quelle décision parlez-vous, enfin ?

– Comment, vous ne le savez pas ?

– Je ne joue pas aux devinettes. Que voulez-vous dire, vous voulez que je le licencie ?

– Mais bien sûr ! Ce collaborateur est un poids. Il va vous gêner pour l’atteinte de vos objectifs. Votre rôle consiste à éliminer les obstacles et ce type en est un. C’est ce qu’attendent de vous vos futurs patrons ! »

 

La décision du candidat

 

François M. me raconta sa décision à cet instant de l’échange. Il préféra en rester là. Son style de management ne conviendrait certainement pas à l’entreprise, déclara-t-il au recruteur. Sur ce, il se leva et, après avoir salué son interlocuteur, quitta la réunion.

Par curiosité, je lui demandais de compléter sa réponse sur le dernier cas :

« J’aurais creusé l’historique de la personne et rassemblé les éléments factuels ayant amené ses responsables à décréter son incompétence. Ce genre de jugement est très relatif. Il mérite des éclaircissements, me dit-il. Quant à la démotivation d’un collaborateur, les raisons peuvent en être tellement complexes et nombreuses. Un arbitrage trop rapide risque d’écarter un potentiel mal perçu. Ce serait dommage ».

François considérait son rôle de manager indissociable de l’épanouissement des membres de son équipe car celui-ci garantissait davantage de potentiel de réussite dans leurs missions.

 

La question qui compte

 

Lorsque je lui demandai comment il en était arrivé à fixer ses méthodes de management, s’il avait été formé par un institut reconnu, il me répondit :

« Je ne suis pas passé par une école pour apprendre à diriger. Comme la plupart de mes collègues, je me suis débrouillé sur le tas ».

Il en était arrivé à appliquer des principes d’écoute et de réactivité au travers de son expérience, de toutes les erreurs commises comme autant de leçons retenues.

« François, j’ai une dernière question : Qu’auriez-vous fait dans le dernier cas au début de votre parcours de manager ?

– J’aurais fait ce qu’on attendait de moi. Je l’aurais viré ».

Les leçons à tirer

L’exemple évoqué ici montre qu’il est indispensable de former les futurs managers à leur nouveau métier avant leur prise de fonction. Des méthodes éprouvées sont disponibles. Elles fonctionneront si l’apprentissage est consolidé sur le temps comme un investissement de long terme.

En amont, les écoles et universités devraient généraliser cet apprentissage sur plusieurs années, en faire un module à haut coefficient pour signifier l’importance de l’enjeu.

Le système éducatif en général aurait également intérêt à développer la sensibilité des élèves, dès les petites classes, à l’importance des sciences humaines, à la compréhension des comportements et à la maîtrise de la communication interpersonnelle.

Cette logistique permettrait une fluidité de fonctionnement quasi culturelle au sein des entreprises. Celles-ci seraient plus efficaces car débarrassées des lourdeurs et maladresses dues à des réactions réflexes de managers improvisés.

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