Le reconfinement de 2020

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Auteur

Patrick Probonas

Date de publication

11/02/2020

Après un premier confinement en mars 2020, pénible, lourd de conséquences économiques et psychologiques pour le pays et sa population, le gouvernement a décidé de reconfiner pour tenter d’enrailler la progression de la COVID 19. L’objectif est louable : protéger la santé des gens, gérer la capacité des hôpitaux en termes de lits et de disponibilité des personnels. La vie compte plus que tout. On ne peut qu’être d’accord.

 Cependant, si l’on se penche sur la manière dont ce re confinement a été élaboré, présenté et appliqué, des questions de fond surgissent. Observons-le au travers du prisme des règles de bases d’une organisation efficace :

 

Règle n°1 : Définir une stratégie claire

 

La définition d’une stratégie est la fondation de toute action à venir. Elle doit être précisée sous une double forme : une projection de long terme, assortie de détails sur le but à atteindre, suivie du positionnement de points de passages rapprochés. Ils seront marqués par des objectifs étayés, précis, sous-tendus par des moyens concrets humains, matériels, financiers.

C’est la base des étapes suivantes (adhésion et exécution) car elle détermine leur niveau de réussite. Réaliser cet exercice demande du temps. Des énergies diverses y participent, des options nombreuses sont étudiées. Comme lors d’une partie d’échec, les coups d’après sont prévus, visualisés, pour conforter les décisions finales.

Entre les mois de mai et octobre 2020, nous avions 4 mois disponibles pour préparer la venue de la seconde vague annoncée, attendue par tous les experts. 4 mois, c’est suffisant pour construire une stratégie solide de re confinement, surtout quand on a le recul d’une première expérience.

 

Or, qu’avons-nous observé ?

 

Cette période n’a pas été exploitée pour préparer la suite, malgré l’absence de tout remède.

Une fois la crise à nos portes, nous avons assisté à des prises de décisions précipitées, sous la pression d’un pôle scientifique inquiet de la rapide progression du virus. Le politique a d’abord tergiversé, hésitant (couvre-feux) puis tranché dans le vif au dernier moment, à court de temps pour faire mieux. A ce stade, nous n’entendons pas parler non plus de l’après re confinement. Devons-nous nous préparer à un re re confinement ?

 

Règle n°2 : L’adhésion par la communication

 

La communication est un pont. Il va relier solidement l’étape de la définition stratégique (le re confinement, sa durée, sa légitimité, son contenu…) et celle de la compréhension de cette définition par tous. Plus la communication sera claire, honnête, directe et soudée au réel, plus les arguments, explications et démonstrations seront inclusifs, cohérents et solidaires, et plus l’adhésion sera forte. L’écart existant, par nature, entre la définition d’une stratégie et sa compréhension, aura tendance à se réduire pour ne laisser échapper que des scories argumentaires facilement gérables.

 

Or, qu’avons-nous observé ?

 

Après un été 2020 plutôt détendu, des fuites, mal maîtrisées, font état d’un couvre-feu prochain. Les médias s’en emparent et brodent pendant des jours des hypothèses inutiles sur ces rumeurs qui réveillent des peurs anciennes. Face à l’échec de cette initiative maladroite, une prise de parole de la plus haute autorité du pays annonce, dans un acte de communication majeur, un re confinement quasi total. Nous y sommes.

Tous les événements de communication majeurs demandent de la préparation et de la participation de la part des parties prenantes, c’est à dire des gens du terrain. Eux vont mettre en musique un modèle théorique, une vision, un plan certes pertinent sur le papier, mais qui n’a, au moment de son annonce, aucune espèce de réalité.

Le fait de balancer, depuis un balcon de pouvoir, des injonctions mal anticipées, peu expliquées, brutales et inattendues, produit de la résistance, plus ou moins explicite, en fonction des contextes sociaux et économiques.

 

Règle n° 3 : L’exécution de la stratégie

 

L’exécution est la phase suivant la compréhension. C’est sa conséquence. Là aussi, l’écart entre ces deux étapes existe naturellement. Mais lors de cette dernière phase, les dés sont jetés. Le niveau de compréhension, et donc d’adhésion des populations concernées, dépend de la qualité de la communication réalisée en amont. Sans surprise, les dysfonctionnements interviennent systématiquement à ce moment-là, lors de l’exécution de la stratégie sur le terrain. Le travail de définition et de communication est terminé, la machine est lancée.

 

Or, qu’avons-nous observé ?

 

La mise en place du re confinement présente des incohérences importantes :

Des activités de commerce sont stoppées tandis que d’autres peuvent fonctionner. La distanciation sociale et toutes les précautions proxémiques se heurtent à la continuité de services des écoles (accompagnements en masse) aux déplacements autorisés sur les lieux de travail (déplacements et contacts physiques assurés) Le sentiment d’injustice se développe au sein de professions de restauration et d’autres services à la clientèle. La culture est condamnée à se taire, les théâtres ferment, les livres sont bannis. Les menaces de sanctions financières deviennent le seul levier concret pour faire respecter les règles édictées. Ils vont provoquer une forte créativité pour les contourner, comme il fallait s’y attendre.

 

La clé : la confiance

 

Ici, la clé de notre sujet est la confiance. La confiance est la croyance selon laquelle l’autre agit dans le cadre d’intérêts identiques aux siens.

La naïveté est écartée car la confiance se constate, se prouve, se renouvelle. Elle fonde les relations de qualité nécessaires à un projet commun. C’est vrai entre les personnes, entre les gouvernants et la population, entre des dirigeants et leurs salariés. Une fois passés les filtres de contrôle instinctifs, présents et actifs en chacun de nous, on s’y laisse aller par nature, comme on se glisse dans un confortable édredon un soir d’hiver. L’incertitude est une constante et la réalité contrarie en permanence les plans projetés de notre avenir. Nous reposer sur les autres, voir en eux des alliés, des soutiens devient un besoin irrépressible. Si la confiance est partagée, elle produit de grands bonheurs, elle existe et se vit.

Si, au contraire, cette confiance facilement accordée est bafouée, les comportements en retours seront à l’avenant, rétifs et distants.

La façon dont se déroule l’opération de re confinement passe à côté de ces notions de confiance. A n’en pas douter, les membres de notre exécutif agissent pour le mieux, dans l’intérêt général, agissants dans le cadre de nos règles démocratiques. Le propos n’est pas de discuter de leur sens du devoir envers la nation.

Mais, à leur actif, que de maladresses, d’hésitations, de manque de vision. Que de décisions prises en comité trop restreint, sur la base de paramètres étroits. Que de phrases vides de sens, lancées à des audiences disparates, sans maîtrise, sans contrôle, sans vérification. Que de postures sans objet, de débats futiles, de creuses polémiques.

Ce re confinement remet en cause, de manière plus appuyée encore qu’en mars 2020, notre façon de vivre, notre manière d’occuper nos environnements urbains, notre goût pour les interactions, nos espoirs pour l’avenir.

L’application des règles simples d’une organisation efficace, rappelées plus haut, aurait pu éviter cette situation dommageable pour nous tous.

Et demain ?

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